RÉGLEMENT EUROPÉEN MACHINES : AXEMA APPELLE À UN REPORT
Règlement européen « Machines » : EVOLIS et AXEMA demandent un report d’application pour garantir une mise en œuvre réaliste !
Le Règlement (UE) 2023/1230 sur les machines, voté en juin 2023 et appelé à remplacer la directive 2006/42/CE dès janvier 2027, marque un changement important pour les fabricants de machines agricoles. Ce texte ne constitue pas une simple mise à jour technique : il bouleverse en profondeur les règles de conception, de mise sur le marché et de surveillance des équipements.
Les nombreuses règlementations qui vont s’appliquer sur la même période, Cybersécurité, intelligence artificielle, risques liés aux lignes électriques ou encore nouveau concept de « modification substantielle » s’inscrivent dans une avalanche réglementaire beaucoup plus large qui va s’intensifier jusqu’en 2030.
Une vague réglementaire à l'horizon 2030
Depuis plusieurs années, les industriels sont confrontés à une inflation réglementaire considérable.
À l’horizon 2030, plusieurs textes structurants vont simultanément entrer en application. Chacun pris isolément poursuit des objectifs louables (sécurité, innovation, compétitivité, transition écologique), mais leur mise en œuvre parallèle, sans articulation claire, met en péril la lisibilité et la mise en œuvre du cadre réglementaire pour les entreprises.
- Règlement « Machines » (UE) 2023/1230 : réforme profonde du cadre applicable à la conception et à la mise sur le marché des machines. Remplace la directive 2006/42/CE. Mise en application prévue en janvier 2027.
- AI Act (Règlement sur l’intelligence artificielle) : vise à encadrer l’usage de systèmes d’IA à risques, y compris dans des équipements industriels. Texte voté en mars 2024, entrée en vigueur progressive à partir de 2025.
- Data Act (Règlement sur les données) : encadre l’accès, le partage et la portabilité des données issues d’objets connectés, notamment dans les machines. Promulgué en 2023, application prévue dès septembre 2025.
- Cyber Resilience Act (CRA) : impose des exigences de cybersécurité sur l’ensemble des produits numériques connectés. Affecte de nombreux équipements industriels. Entrée en vigueur prévue en 2027.
- Ecodesign for Sustainable Products Regulation (ESPR) : réforme le cadre sur l’écoconception, avec de nouvelles obligations de réparabilité, durabilité, traçabilité et empreinte environnementale des produits. Texte en cours de finalisation, mise en œuvre progressive prévue entre 2026 et 2030.
Tous ces textes entreront en vigueur d’ici 2030, sans que ne soit réellement pensée leur cohérence d’ensemble. La révision de la réglementation « machines », qui introduit notamment des obligations spécifiques en matière de cybersécurité ou d’intelligence artificielle, en est un parfait exemple.
Un flou qui paralyse l'action et dissuade l'innovation
À ce jour, aucun guide d’application harmonisé n’a été publié. Le manque de clarté entourant les nouvelles exigences rend leur interprétation incertaine : des écarts sont déjà observés entre États membres, autorités de surveillance, organismes notifiés et industriels. Comment alors garantir l’équité entre acteurs ? Comment engager des choix technologiques, commerciaux ou industriels si le périmètre des obligations reste flou ? Les professionnels du secteur peinent à s’orienter, dans un climat réglementaire qui freine l’investissement, bloque les innovations et dissuade même certaines entreprises de s’engager sur des projets de modernisation.
Le règlement de 2023 introduit également une notion nouvelle : celle de « modification substantielle ». Cette notion, encore mal définie à ce jour, suscite des inquiétudes dans la profession. Elle pourrait empêcher les opérations de rétrofit ou de modernisation de machines, créer une insécurité juridique pour les entreprises qui modifient des équipements existants, ou encore rendre floue la répartition des responsabilités entre le fabricant d’origine et le modificateur.
L’impact potentiel est important sur les activités de maintenance, de réparation, d’adaptation ou de mise à niveau des machines existantes — alors que ces opérations sont précisément au cœur des stratégies de transition écologique et d’allongement de la durée de vie des équipements en participant notamment à l'économie circulaire du secteur.
Le secteur du machinisme agricole, qui investit fortement dans des solutions durables, connectées et sûres, se trouve aujourd’hui dans une profonde incertitude. À l’heure où les pouvoirs publics appellent à accélérer la transition écologique, les industriels font face à un cercle de contraintes — juridiques, techniques, opérationnelles — qui les empêchent concrètement de s’y engager. L’exemple du rétrofit est à ce titre emblématique : au lieu de faciliter la réutilisation et la modernisation des machines existantes, la réglementation actuelle fait peser une menace juridique sur tout acteur qui prendrait l’initiative de modifier un équipement.
Des délais théoriques, des réalités industrielles ignorées
Si un premier report a permis de repousser l’entrée en vigueur à 2027, le compte n’y est toujours pas. Pourquoi ? Parce que le travail de révision des 850 normes harmonisées nécessaires à la mise en œuvre effective du règlement accuse un retard considérable. Sans ces normes — qui permettent la présomption de conformité — les industriels ne pourront pas adapter leurs produits en temps voulu. Or, la conception et la fabrication d’une machine conforme à une nouvelle exigence ne s’improvisent pas. Cela nécessite plusieurs années de développement, d’expérimentation, de validation, d’homologation. Si les règles changent en cours de route, les cycles industriels sont perturbés. Le temps de la réglementation n’est pas celui de l’ingénierie.
De surcroît, les travaux au sein du Machinery Expert Group européen, censés produire un guide d’interprétation des nouvelles exigences, n’ont toujours pas abouti à des résultats concrets. Un simple appel à experts a été lancé… en mars 2025. Comment, dans ces conditions, imaginer que les industriels seront prêts d’ici 2027 ? Ce calendrier déconnecté de la réalité est non seulement irréaliste, mais aussi dangereux. Il menace la capacité des entreprises européennes à rester compétitives sur un marché mondialisé, tout en introduisant une fragmentation réglementaire au sein même de l’Union européenne.
Une demande de report soutenue par la profession
Face à cette situation, AXEMA, avec le soutien d’EVOLIS et de la FIM (Fédération des Industries Mécaniques), appelle à un report de 24 mois minimum pour l’application des dispositions les plus compliqué du Règlement (UE) 2023/1230, à compter de la finalisation effective du guide d’interprétation. Ce n’est ni une demande de blocage, ni un refus de progresser : c’est une exigence de cohérence et de pragmatisme.
Les industriels sont prêts à relever les défis de demain, à condition qu’on leur donne les moyens de le faire dans un cadre lisible, stable et techniquement réalisable. Le respect des objectifs de sécurité, d’innovation et de transition écologique dépend avant tout de la capacité des institutions européennes à accompagner, et non à précipiter, les évolutions attendues.
Télécharger le position paper AXEMA - EVOLIS :